samedi 8 janvier 2011

La fin de Bokassark




La fin de Bokassark

(Drame historique en quatre actes)

par Griffollet

ACTE I

- Scène 1. Bokassark

(Il lit un gros livre intitulé: La Princesse de Clèves, qu’il déchiffre avec difficulté)

«La cour de France ne fut jamais aussi bling bling que dans les dernières années du règne de Henri II.» Henri II? Qui c’est, celui-là? Voyons Google.

(Il se penche vers l’ordinateur - une grosse machine clinquante de marque Rollex, qui lance des rayons de lumière multicolores)

Allez donc: Henri II. Envoi.

(Il lit sur l’écran)

«Henri II, roi qui fit mettre à mort Beckett». Beckett?

Encore quelque un que je ne connais pas! On n’en finira donc jamais? Alors, Beckett?

(même jeu)

«Beckett, auteur de Oh les beaux jours et En attendant Godot.» Godot? Qui c’est, çui-là , bon sang?

C’est pas possible! On tourne en rond! J’y arriverai jamais!

(Il envoie tout promener et se lève, en proie à une vive agitation. Entre Carlita, portant guitare)


- Scène 2. Le même plus Carlita (elle entre sur l’air de Mon père m’a donné un mari)

Carlita

Mais qu’y a-t-il, Chouchou ? Je ne peux donc te laisser seul?

Bokassark

Ah, ma mie, j’eusse préféré que tu restât!

Carlita (haussant les épaules)

Restasses, Chouchou. Mais pourquoi cette agitation? Enfin, qu’y a-t-il, grand Dieu?

Bokassark

Il y a… Il y a que je ne m’en sortirai jamais. Frédo, mon ministre de ma Culture, m’a conseillé de me cultiver. Mais c’est dur, c’est dur, et je tourne en rond. La Princesse de Clèves, le roi Henri II, Beckett, Godot… Ah là là! (soupir; il tombe dans un brusque abattement.) Il eût mieux valu que je ne commençusse point.

Carlita

Commençasse, Chouchou.

Bokassark

Là, tu vois, on n’en finira jamais.

[Il énumère ses ennuis divers, à actualiser; par exemple: Fillon qui a repris du poil de la bête, les journalistes pédophiles, Villebrequin qui le nargue et l’asticote]

Ah là là, c’est dur.

(un temps)

Autant mourir

Mourir! Mais c’est une idée, pour finir en beauté!

Carlita (elle se regarde dans un miroir mural)

Je ne détesterais pas être veuve… jeune veuve, tant qu’à faire.

Bokassark

Tu vois, tout le monde serait content.

Carlita (nonchalante)

Mais comment t’y prendrais-tu ? Ce n’est pas si facile, de trépasser…

Bokassark

Hum, je vais demander conseil. (Il agite une sonnette) Guéant ! Gué - ant? Guaino! Guai - no? Un conseil restreint tout à l’heure, pour affaire d’importance.

(Le rideau tombe).

_________

ACTE II

(Salle du conseil)

Scène unique (Bokassark, ministres)

Bokassark

Oui, Messieurs, j’ai convoqué ce conseil restreint pour faire aboutir ce beau projet de ma disparition de ma scène de ce monde. L’autre jour j’ai annoncé ce projet, vaincu vos préventions hypocrites…

(Ils se récrient)

… et nous étions convenus que vous vinssussiez euh, vinssassiez aujourd’hui avec des propositions.

Frédo

Vins-siez, Monsieur le Président.

Bokassark

C’est ça, vinssissiez. Alors? François?

(Jeu de scène: à chaque proposition d’un ministre, Bokassark indique par gestes son refus et son déplaisir)

François

Assassiné comme Henri III…

Comme Henri IV…

Guillotiné comme Louis XVI…

Bokassark

Non, rien de royal, nous sommes en république, que diantre!

J’aimerais que tu t’en souvenusses!

François

Une mauvaise grippe à rechutes comme Pompidou?

Frédo (chantonnant)

Pom-pom pidou pidou ah! Euh, excusez-moi.

Bokassark

Est-ce que j’ai une tête à faire des mauvaises grippes à rechutes? Et je ne veux pas mourir enflé. L’inflation ne me réussit pas. C’est du moins ce que dit Tatie Dati. (Rires préenregistrés)

Enfin, Monsieur le Premier Ministre, merci de cet effort.

Monsieur le Ministre d’Etat?

Alain J

J’ai fait chercher dans les archives du Ministère de la Défense, autrefois Ministère de la Guerre, et mes services ont retenu le cas du général Boulanger.

Bokassark

Oui? Eh ben, accouche!

Alain J

Il s’est brûlé la cervelle sur la tombe de sa maîtresse.

Bokassark

Il faudrait d’abord que j’en prendasse une.

Frédo

Prisse, Monsieur le Président

Bokassark (il a l’air surpris)

Prisse, soit. Je ne contesterai pas le cas prisse (rire forcé général). Que je prisse, donc, maîtresse, et qu’elle mourât.

Frédo

Mourût

(En aparté)

Ou qu’un beau désespoir alors la secourût.

Bokassark

Mourût, c’est le cas billot

(Il part -seul - d’un grand éclat de rire)

Morue, cabillaud…

(Rires forcés des ministres)

Et puis Carlita ne voudra jamais devenir veuve dans ces conditions. Et de toute façon (baissant la voix) je ne sais pas bien monter à cheval. (Haut) Donc, Boulanger, hors-jeu.

Monsieur le Ministre de mon intérieur?

Heurtechoux

Nous avons le cas illustre du Président Félix Faure, qui mourut d’épectase…

Bokassark

C’est quoi, l’épectase ? Faut chercher sur Google?

Roselyne B

Attention, Monsieur le Président, c’est… en quelque sorte et quelque part, c’est un peu cochon.

Bokassark

Un peu cochon ? Ah! Alors, je suis tout truie. (Rires préenregistrés)

(Le ministre commence à évoquer le cas, et le rideau tombe.)

__________

ACTE III

(Même décor, le calendrier a avancé de huit jours)

- Scène 1. Bokassark, ministres

Bokassark

L’autre jour nous avons évoqué… ma disparition. Je suis plus décidé que jamais, ayant avancé de trois lignes dans la lecture de La Princesse de Clèves, quel supplice.

Mes conseillers et moi avons décidé de renoncer à la solution Félix Faure, pour des raisons de, comment dites-vous? De dignité humaine. C’est ça. Je suis un grand partisan de la dignité humaine. (Rires préenregistrés) Cette proposition était rigolote, mais ne sied pas à la majesté du successeur de Talonnette Ier alias Louis XIV, et Talonnette II alias l’empereur Napoléon..

Ministres

Ça se discute (ils parlent tous ensemble, ad libitum)

Bokassark

Mais ils n’étaient pas (il se rengorge) Présidents de la République!

(murmures)

Bokassark

Allons, il est temps d’aller prendre mon sarko one, j’ai un G20 tout à l’heure, et, que voulez-vous, ça n’attend pas.

Baroin

Tiens, j’ai une idée (à part) et au moins ça rentabiliserait l’investissement.

Vous vous souvenez, Monsieur le Président, de Paul Deschanel ?

Bokassark

Non, pourquoi, je devrais ? Faut encore chercher sur Google? (Rires préenregistrés)

Baroin

Il était (bas) tout comme vous (haut) un peu dérangé, il grimpait aux rideaux à l’intérieur de ce palais, ici même, aux arbres dans le parc, et même, lors d’un voyage officiel, il est tombé du train présidentiel pendant la nuit, en pyjama.

Bokassark

Pourquoi ces histoires du temps jadis ? Et quel rapport avec moi?

Baroin

Si vous tombiez de votre moyen de transport comme lui, une chute du sarko one, c’est la mort assurée, et avec quel éclat!

Frédo

(Il surenchérit, description comme à la télé jadis, genre…):

Le sarko one s’est élevé dans les airs tel un grand oiseau porteur des z’espérances de la France, et l’homme illustre, petit par la taille mais grand par les capacités politiques, sorti de sa cabine pour faire pipi, se trompe de porte et choit du haut du ciel, dans un grand vol plané d’apothéose, qui se termine en tragédie, le cou rompu au contact du sol…

Bokassark

(il semble séduit)

Eh ben ça c’est une idée.

(entre Carlita)

- Scène 2. Les mêmes, Carlita.

Bokassark

Mon cordon de la Légion pour un peu de cocaïne, et on y va. Carlita, mes adieux!

(Elle lui plaque un baiser sur l’une et l’autre joue avec empressement, et lui donne son écharpe)

Carlita

Et n’attrape pas froid, Chouchou!

(Le rideau tombe, sur l’air de Marlbrough s’en va-t-en guerre).

_________

ACTE IV

- Scène 1. Bokassark, seul en scène

(Il descend du plafond, apparaît en chauve-souris battant des ailes - exaltation croissante)

Bokassark (au sol)

Mon heure n’est pas venue, la mort n’a pas voulu de moi.

(Il le répète plusieurs fois en s’avançant)

Je suis le maître du monde. Sitôt sorti de l’avion, mes ailes se sont déployées, et je suis descendu en vol plané majestueux… Tarrataplan, rataplan, plan plan! Comme on dit dans la langue de mon ex-deuxième épouse. Me voilà sain et sauf, et pas mécontent de l’être, en fin de compte.

(Roulement de tambour ininterrompu).


- Scène 2. Bokassark, Laurel, Hardy.

Tout doucement apparaissent, cheminant côte à côte depuis le fond, Laurel et Hardy. Le premier est un crocodile, le second un hippopotame. Générique de Laurel & Hardy. Quand ils arrivent à la hauteur (?) du Président, Laurel le happe d‘un coup, comme ça: ham.

(Fin du roulement de tambour.)

Laurel

Ham. Burp.

(Il s’essuie la mâchoire délicatement avec un mouchoir de dentelle)

(Silence. Entre Carlita)


- Scène 3. Laurel, Hardy, Carlita.

Carlita

Mamma mia! Je suis veuve!

(Elle sort en brandissant sa guitare)


- Scène 4. Laurel, Hardy.

Laurel

Hardy, est-ce que les haricots ont des pattes?

Hardy

Mais non, voyons. Pourquoi?

Laurel

Alors, c’est un cafard que je viens d’avaler.

(Il est pris d’une crise de hoquet)

Rideau.

9 commentaires:

  1. Hi hi (han), il faudrait prévoir des applaudissements préenregistrés...

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  2. Tiens tiens Melchior, on dirait que vous vous moquez de votre Maître Griffollet, dont vous êtes, me suis-je laissé dire, l'animal de compagnie favori? Des applaudissements pré-enregistrés, vous n'y pensez pas! Dans la pièce bokassarkienne, d'accord, mais pas sur ce Blog!

    Griffollet nous a tournicoté une histoire pour nous débarrasser d'un sacré cafard. C'est le pauvre crocodile Laurel qui s'est dévoué, à l'insu de son plein gré, croyant avaler un haricot. Gloup et burp...

    A Griffollet: Vous semblez croire, cher chat, que Bokassark a des tendances auto-destructrices. Ah mais quel scoop! Vous avez eu des informations secrètes enregistrées clandestinement par le majordome ou la secrétaire-comptable? Je connais un moustachu qui va en frémir de jalousie, damned!

    Et si je suis votre thèse, l'épouse de Bokassark et son entourage politique encourageraient ces tendances? Quoique, à y regarder de près, il ne s'agit pas semble-t-il chez Bokassark d'une véritable tendance suicidaire, mais plutôt d'un contresens autour du en finir

    Hi hi...

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  3. Bokassark, DSK et le film ennuyeux qui se dessine,
    Assange le pirate et ses bonnes lectures,
    Le vieil électricien possesseur de toiles de Picasso...

    Philippe Sollers livre ses réflexions sur l'année 2010:

    SOLLERS

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  4. La fin ou le rebond de Bokassark? L'avancée des gars de la Marine? Que nous réserve 2012?

    Comme beaucoup d'entre nous, Dany Cohn Bendit est assez pessimiste sur l'avenir de la gauche.

    DCB

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  5. J'ai un peu l'esprit d'escalier en passant de Bokassark à Bokabenali.

    Les tunisiens donnent une belle leçon politique, avec leur révolution du jasmin. Comme certains membres du parti de Ben Ali avaient été reconduits dans le nouveau gouvernement, des membres de l'opposition nommés hier ont démissionné aujourd'hui, et du coup les membres du parti de Ben Ali ont démissionné dudit parti, espérant donner des gages de leur changement.

    Sur le fond des problèmes à venir, un article mesuré dans Courrier International:

    JASMIN

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  6. Elisabeth Lévy critique un dessin de Plantu, révélateur selon elle d’une opposition dangereuse au « populisme ». On y voit Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon associés sous le drapeau d’un ténébreux «Néo-populisme», debout, chacun à sa tribune, chantant le même air du «Tous pourris!», et affublés de brassards dont le style et les couleurs sont clairement destinés à rappeler les heures les plus sombres de notre histoire. Sur ce coup, Elisabeth a raison de grogner.

    ICI

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  7. L'agence de notation Moodys a abaissé la note de la Tunisie!

    Dans Slate, un article critique cette mesure (qu'en pense le sauveur de la gauche DSK?) et les agences de notation.

    ICI

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  8. Dans la perspective d'en finir avec Bokassark, on pense aux "meilleurs" candidats de gauche.

    Dans un article de Mediapart, Denys Pouillard conteste la tenue de primaires ouvertes à gauche, plébiscitées par les militants du PS.
    ICI

    Son argumentaire :
    - L’exemple italien montre que la primaire ne garantit pas la victoire aux élections.
    - Le PS se retrouve aujourd'hui avec une machine infernale: désigner le candidat socialiste au scrutin de 2012 par un corps électoral qui ne serait que partiellement et authentiquement militant du parti. On demande à ces «sympathisants» de faire un don de 1 € et de signer une «charte des valeurs de gauche». Toutes les manipulations sont possibles et ceux qui se rendront aux urnes sauvages d'octobre 2011 peuvent autant venir, à ce «premier tour des élections présidentielles» de la droite voire de l'extrême droite comme des autres partis de gauche.
    - Un non adhérent du PS qui signera la charte (non contraignante) des valeurs de gauche et qui aura payé son «denier du culte» se retrouvera automatiquement sur un fichier sans que l'on sache qui détiendra ce fichier et quelles sont les garanties apportées à sa conservation et son secret.
    - Il est à craindre, que tel électeur soit refoulé avant même d'émarger, sous prétexte qu'un voisinage l'aurait identifié comme «impur» à gauche. « Avec des dispositions d'organisation nomade et des bureaux de vote qui ne seront pas tous tenus par des officiers d'état-civil, le risque de délit d'opinion ne demeure pas seulement une vue de l'esprit».

    Ce que Pouillard préconise : que le PS en revienne au mode de désignation interne.

    * Plusieurs abonnés disent qu’ils sont d’accord avec lui, qu’ils ne voteront pas.
    * Une abonnée (ouf!) dit : «Ce principe de désignation d'un candidat par participation démocratique de la population est une double avancée, tant sur le plan du fonctionnement du PS, qui rompt de manière historique avec sa culture de désignation du candidat par tractations en coulisses - on en sait les conditions et les effets - ; que sur celui de l'opinion publique et des militants, qui en ont assez de se voir confisquer le débat sur les candidatures dans l'entre-soi des appareils ». « Comme toute avancée, la mise en place de primaires socialistes cherche sa formule, elle n'est pas parfaite, mais quel système l'est d'emblée ?
    Que proposent les dénigreurs de service : le retour aux moeurs antérieures, le statu quo, le lot sorti du chapeau ? Des primaires en interne, vouées aux magouilles qu'on a connues au dernier congrès ? »
    Elle conclut : « Ce dénigrement - orchestré par la campagne de Vauzelle - est une stratégie pour promouvoir DSK, le "favori" des sondages évoqués plus haut, pour lui épargner l'épreuve d'une campagne de primaires, dont il ne se tirera pas si facilement »
    .

    Bonjour la démocratie...

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  9. Mise au point du PS sur les primaires, qui réfute certains "arguments" de Mr Pouillard:

    Les primaires et les données personnelles
    Venir dans un bureau de vote, prendre contact, signer une adhésion aux valeurs de la gauche... Quelques précisions sur les données personnelles et les primaires.

    Comment le PS va-t-il constituer les listes électorales ?

    Très simplement et de façon très transparente. Les listes électorales sont publiques, et accessibles à tous les citoyens qui en font la demande dans leur commune ainsi qu'aux partis politiques, qui ont le droit d'en faire usage. Ce droit est prévu par le code électoral dans son article L-28.

    Dois-je obligatoirement donner mes coordonnées ?

    Bien sûr que non. La récuperation de coordonnées se fera sur une base volontaire uniquement. Nous proposerons aux votants qui le souhaitent de nous laisser leur mail et/ou leur numéro de téléphone pour être informé (résultats, initiatives de campagne...) et nous serons ravis de vous compter tous ceux qui le veulent parmi nos volontaires. Si vous ne le souhaitez pas, rien ne vous y oblige, évidemment.

    Signer une charte d'adhésion aux valeurs de la gauche, ça veut dire que je suis obligé de voter pour le PS à la présidentielle ensuite?

    Non, dans le secret de l'isoloir, le vote est bien sûr libre. Si vous avez voté aux primaires, cela ne vous contraint en aucune manière.

    Est ce que les primaires constituent un fichage illicite ?

    Non, toute l'organisation des primaires, basée sur un acte volontaire de participation et sur un recueil volontaire de coordonnées se fera dans le respect strict des textes relatifs à l'informatique et aux libertés. Si vous participez aux primaires, votre nom ne sera en aucun cas publié.

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