samedi 13 février 2010

Déjeuner dominical











Déjeuner dominical

par Melchior


Le dimanche matin, les catholiques se rendent à la messe en rangs pressés, mais moi, préférant prendre mon temps, je sortis seulement vers midi. Griffollet a beau dire (voir ses Mortels repas dominicaux*), un déjeuner du dimanche peut avoir son charme.


Convié par Augustine en son logis de l’avenue Lisbeth Salander, je m’y rendis de très bonne grâce, et pénétrai par le portillon du jardin, la mercerie étant fermée pour cause de repos dominical et tant pis pour le carillon de la porte d’entrée, si doux, en semaine, à mes oreilles, quand je vais m’acheter du fil et des boutons.



Nous étions trois, l’abbé Lélaine s’étant précipité dès la fin de la messe, et la conversation, sitôt que nous eûmes trinqué à la santé de la bonne Franquette (ainsi se prénomme la servante de notre curé), s’engagea.


- La vvvache et les palmipèdes (me demanda l’abbé) vont bien?

- Fort bien (dis-je); et vos ouailles?

- Mes z’ouailles? Ah ben ouiche. Si vous lisez quelque part que le dimanche matin les catholiques se rendent à la messe en rangs pressés, surtout n’en croyez rien, et tenez l’auteur pour un farceur. Deux pelé(e)s et trois tondu(e)s, c’est bien le bout du monde. Enfin…


Et un grand soupir, qui poussa son diaphragme contre la paroi de son estomac, vint rappeler à sa conscience qu’il avait grand faim.


Sitôt dites les Grâces par l’abbé qui ne se fit pas prier pour **, Augustine nous servit du lapin, cuit avec des tubercules de cerfeuil, des champignons et des petits oignons… sans lapin, sauf pour l’abbé.


- Melchior (dit-elle) est un herbivore têtu, et moi-même je mange de moins en moins de viande.

- Je suis au regret (dit l’abbé) de devoir vous dire que ce lapin est absolument délicieux.

- Ce que je puis (dis-je) confirmer, tout au moins pour ce qui est de la garniture.

- Si vous pouviez me donner la recette pour Franquette…

- Très volontiers. Le plus dur, vous savez, c’est de tuer le lapin…

- Quelle horreur ! (s’écria l’abbé)


Et les voilà partis pour un débat sur l’abattage nécessaire des bêtes dont on veut manger la viande (sauf les huîtres, qu’on avale crues sans les mâcher, comme des hosties).


- C’est là (dit l’abbé) la conséquence du péché originel… mais je ne vais pas vous embêter avec mes lubies théologiques.

- Je suis (dit Augustine) devenue quasi-végétarienne en lisant Marguerite Yourcenar. Pensez à tous ces animaux qui souffrent pour nous nourrir… j’avais autrefois un adorable lapin nain, et… Je dois dire que je pense à lui chaque fois que je prépare un plat de lapin.

- Encore que… Ce que vous me servez là, chère Augustine, ne donne pas du tout l’impression d’avoir été, dans sa vie antérieure, un lapin nain.


J’intervins en évoquant le grand trouble dans lequel me jetait, quand j’étais encore jeune ânon, sensible et influençable, la vue de ces cadavres de lapins éviscérés et dépiaussés (sauf le bout des pattes arrières), pendus à la devanture de la charcuterie-volaillerie avec ou sans la tête… spectacle qui faillit me rendre bouddhiste, ce que je fusse devenu sans l’intervention de mon maître, Hubert-Hégésippe Huchappin, condisciple du célèbre Botul, et dont les leçons me ramenèrent de ce côté-ci de la frontière qui sépare les mystiques d’Orient de la philosophie occidentale (sans vouloir surévaluer cette dernière néanmoins). A mes convives je dis tout cela, et leur citai du Griffollet :


« Malheureux lapin/Privé de viscères »… ***


J’ajoutai que si des lapins domestiques n’étaient plus, un jour, ni écorchés ni cuisinés, ils disparaîtraient de la surface de la terre, à n’en pas douter. Or rien n’est plus triste qu’un clapier vide; est-ce bien là ce que veulent les abstinents?


- Ah, je sais bien (soupira Augustine). Ah ! C’est difficile…

- J’aime autant qu’ils perdurent (dit l’abbé), somme toute, c’est plus chrétien, cela nous ramène à notre condition d’humbles pécheurs, cruels et gourmands.

- Manger de cet animal (dis-je) aux longues oreilles ? Je me ferais plus volontiers anthropophage.

L’abbé sursauta.

- Ben quoi ? (repris-je) Ce serait un juste retour des choses. Mais rassurez-vous, s’il le fallait, je vous égorgerais au préalable avec amour. Et j’irais, dès la fin de ma sieste post-prandiale, me confesser à l‘un de vos confrères.

- Me voilà (dit l’abbé) pleinement rassuré.

Et il but encore un coup.

- Enfin bref (dit Augustine) il faut manger moins de viande.

Ce à quoi l’abbé répondit, non sans s’être resservi:

- « Je le sais, ma raison chaque jour me le dit,

Mais la raison n’est pas ce qui fait l’appétit »…

En tous cas, c’était très bon (dit-il en vidant son verre).

- Il y a (conclut Augustine) l’idéal végétarien, et puis les compromis à faire avec le réel.


Nous passâmes, eux aux fromages, moi à la botte de carottes crues crues**** bio qui m’était dévolue.


- C’est qu’il y a (dis-je en écho aux propos de notre hôtesse) l’idéal, et puis le réel, et il vaut mieux ne pas se tromper de registre.

- Tiens, Melchior, tu as suivi la discussion sur le blog Harmoniques et Nuances…

- J’y ai même pris part (dis-je en me rengorgeant) à la mesure de mes modestes facultés.


Pendant qu’ils savouraient les fromages, je leur exposai un bout de mes conceptions sur ce sujet, tout en savourant mes carottes crues crues bio.


- L’Idéal, où que l’on le place: dans le passé, âge d’or ou paradis terrestre ou encore « bon vieux temps » (crunch), dans le futur (communisme réalisé, Verts pâturages) ou dans l’imaginé utopique-chronique (crunch) est, me semble-t-il, la projection inversée et à visée consolatrice quelque part, de notre vécu dans une réalité insatisfaisante et bâtie en compensation (crunch) de cette insatisfaisante réalité.

- Poil aux rotondités (murmura l’abbé).

Je fis pieusement semblant de ne pas l’avoir entendu.

- D’autre part (continuai-je) il peut avoir plus ou moins d’ampleur: concerner le Cosmos et/ou la Création, Humanité toute entière comprise, à la fin des temps et pour les siècles des siècles (crunch), n’être constitué que pour la Nation, notre chère Partie, dans vingt-cinq, cinquante, cent ou deux cents ans (crunch), ou ne valoir que pour soi, à la rigueur ses proches, dans un avenir finalement rapproché (ou simplement rêvé): une petite maison où manger sa petite soupe en ressassant quelques souvenirs (crunch crunch) et en se disant qu’on a fait de sa vie ce qu’on a pu…

- Poil (murmura l’abbé) à l’occiput.

Je lui servis charitablement un verre, et poursuivis:

- Une question qu’on peut se poser: comment la perception du réel et l’attachement à l’idéal peuvent s’articuler, et s’influencer (crunch) l’une l’autre. Si je crois fermement à l’avènement du Messie, en quoi cette attente modifie-t-elle mon rapport à la réalité actuelle ? Si je trouve une manière pas trop inconfortable de m’accommoder du devenir historique tel que je le vis, en quoi cela affecte-t-il (crunch) mon rapport à l’Idéal tel que je me l’étais jusqu’alors constitué ?

- Tout cela (objecta Augustine) exigerait des exemples concrunch, euh, concrets…


Cela dit, elle plaça sur la table un tiramisu, qui modifia notre perception immédiate du devenir historique, la mienne en tous cas: l’abbé avait déjà depuis un bon moment glissé dans l’euphorie, du fait de mon discours ou bien à cause des rasades de bon vin dont il l’avait ponctué, buvant plus d’une fois à la santé du conférencier, à chaque crunch je crois bien..


- Exemples concrets ? Oui, sans doute (eus-je le temps de m’entendre dire), et un essai de typologie.


Puis je sombrai dans un abîme d’indicibles délices palatales, tandis que mon ange gardien me brayait, mais en vain, aux oreilles que la gourmandise est un vilain défaut, gnin gnin gnin. Car, convenons-en, le tiramisu de Madame la Mercière de Saint Isidore en Val, c’est quelque chose.


Puis café, pousse-café…


- Il me semble (dit Augustine) que la fonction de l’idéal est de permettre la résistance à l’absence de sens, à l’anomie comme on l’appelle.

- Certes (dit l’abbé). Reprenons la phrase de ce parpaillot de docteur Schweitzer, je cite de mémoire (dit-il en consultant son iPod) :

« L'idéal est pour nous ce qu'est une étoile pour le marin. Il ne peut être atteint mais il demeure un guide. »

- Ou encore (dit Augustine) la référence à la France éternelle.

- Ou (dis-je moi-même pour apporter une modeste brique à l’édifice) le fonctionnement psychologique des communistes apartidaires platoniciens tels qu’on les rencontre en un certain site.

- En effet (dit Augustine en bâillant), voilà un champ d’études tout à fait passionnant. Mais j’y pense: y a-t-il un rapport entre la question du réel et de l’idéal et celle des complots (tant en théorie qu’en pratique) ?

- Probablement (dis-je en bâillant à mon tour), mais je ne discerne pas nettement lequel.

- Il faudra (dit-elle) en faire le thème d’un de nos thés républicains.

(Nos thés à thèmes sont réputés, dans tout le canton de Saint-Isidore - ou mériteraient de l’être).

- Et la portée de l’idéal républicain? Quand est-ce qu’on s’y remet? (dit à son tour l’abbé, bâillant lui aussi).


Sur ce l’abbé s’en alla à la cuisine faire la vaisselle, ce dont je suis pour ma part dispensé, dame, avec mes gros sabots.


* http://daglachat.blogspot.com/2007_10_01_archive.html

21 commentaires:

  1. Le Billet dominical de Melchior est publié!

    Je ne pouvais décemment pas le lancer un samedi. C'eût été fort déplacé.

    Vive les lapins!
    Je reviens commenter plus tard certaines arguties de l'abbé Lélaine (la Belle Hélène), qui ne sont pas très catholiques ...

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  2. Aujourd'hui, en ce dimanche, c'est le nouvel an chinois. Non. Non. Je ne regarde pas une quelconque chaîne étrangère, je suis accoudée à ma fenêtre, les yeux braqués sur les dragons bleus, verts.. si drôles, si tendres, tout en pensant à Augustine.

    la fonction de l’idéal est de permettre la résistance à l’absence de sens, à l’anomie comme on l’appelle.

    Y'a même une fanfare qui se donne des airs début du siècle dernier... Et pourtant, il gèle à pierre fendre un peu comme le jour où le Titanic a coulé... alors que son capitaine regardait l'étoile de l'abbé... ou celle de Don Quichotte.
    Parfois il vaut mieux ne pas se tromper de registre

    Registre? Quel drôle de mot. Pourquoi pas libellule ou coccinelle

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  3. Une argutie du Baudet me titille l'oreille droite: si des lapins domestiques n’étaient plus, un jour, ni écorchés ni cuisinés, ils disparaîtraient de la surface de la terre, à n’en pas douter. Or rien n’est plus triste qu’un clapier vide; est-ce bien là ce que veulent les abstinents?

    Qu'est-ce à dire? Les lapins vivraient en liberté, voilà tout. Au lieu d'être parqués dans des clapiers immondes, pour être ensuite tués, il s'ébattraient dans les prés, sautant allégrement en nous montrant leur adorable queue blanche,puis se réfugieraient dans leurs terriers. Les clapier seraient vides: ben oui, à la grande joie des abstinents et au grand dam des lapinophages.

    Ce bon Baudet mangeur de carottes, qui regarde Melchior se régaler de tiramisu, est heureusement très clair ensuite, quand il parle de l'anthropophagie. Hé hé.. Solidarité de bêtes aux longues oreilles oblige...

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  4. Tendre Monica,

    Parles-en au Australien... des lapins... Tout un continent, rien que pour le bonheur de ces adorables petites bêtes aux grandes oreilles et à la queue... comment pourrais-je dire... à vous faire des petits à foison.
    ** Bon, allez, j'avoue. J'aime beaucoup le rôti de dragon au chocolat.

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  5. Oui, ma douce Brocéliande, je savais bien qu'on allait faire état des capacités reproductrices des lapins.

    Mais les Australiens, comme les Français,
    ont introduit le virus de la myxomatose pour éradiquer les lapins. N'eût-il pas été plus simple et plus sympathique d'introduire des substances.... contraceptives? Ainsi, ces jolies petites bêtes (par ailleurs gibier, pan! pan!)auraient pu folâtrer et s'ébattre sans que le péril jau... euh... lapin ne menace les cultures.

    Le dragon au chocolat? Tu parles de l'animal fabuleux ou du soldat de cavalerie?

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  6. La myxomatose? Quelle horreur... Ils préféraient les lapins russes?

    Non, non... Le dragon cracheur de feu, celui des légendes.. Tu le nappes de chocolat avec quelques zestes de noix de coco... C'est fabuleux

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  7. Et, mine de rien, nous voilà ramenés au problème précédent; car à quoi bon libérer les lapins si c'est pour remplir les clapiers de dragons ? Mais le dragon en profiteroles, nappé de chocolat et farci de crème glacée, avec des écailles en noix de coco et amandes, c'est alléchant, j'en conviens. C'est du registre, pardon, de la libellule du péché mignon.

    Il paraît que Meuh Meuh et les palmipèdes sont réunis en séminaire, et qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord sur l'allaitement. Au fait, c'est sur quel fil, l'allaitement ?

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  8. Mais il n'a jamais été question de mettre des dragons dans des clapiers, enfin, Melchior! Les dragons vivent en liberté dans les forêts enchantées et lorsqu'ils s'éteignent de leur mort naturelle, Brocéliande les prépare à sa façon, que vous avez enrichie. C'est beau, la cuisine participative!

    Je comprends les désaccord de Meuh Meuh et Immanence et Multitude sur l'allaitement. Nous fîmes référence au dernier livre d'E. Badinter sur le fil ellulien:
    http://harmoniques-nuances.blogspot.com/2009/05/par-dela-la-difference-la-grace.html

    Mais, à mon avis, les avis de nos trois amies sont conciliables. Que celle qui veut allaiter allaite, la Vvvvache, mais qu'on n'oblige pas à le faire des êtres qui s'en sentent pas le besoin!

    Liberté!

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  9. A chacune de choisir, je suis d'accord avec Monica.

    L'instinct maternelle n'existe pas. J'en suis, moi mère, absolument convaincue.

    Toutefois, pour l'allaitement, un simple et tendre souvenir fabuleux, si la violence n'était pas passée par là. Et pourtant. un fabuleux garçon, comme un dragon pas en chocolat du tout, mais libre d'être

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  10. Voilà un banquet philosophique dans la plus pure tradition! Chapeau bas, cher bondissant baudet, pour savoir allier avec tant de brio humour et reflexion! On attend avec impatience la suite de ces rencontres dominicales!

    Sur le fond, le platonicien impénitent que je suis a tendance à croire cette chose impossible : l'Idéal est, en soi, immuable et le même pour tous. Seulement, nous ne le voyons pas tous avec la même précision, nous ne l'abordons pas tous avec la même vue, et nous ne le décrivons pas tous avec les mêmes mots. Et certains se trompent sur ce qu'ils pensent être l'Idéal.
    Evidemment, tout cela fait surgir moultes objections mais j'aime les causes difficiles.

    Notre perception du réel influe notre rapport à l'Idéal, c'est bien exact, et à deux niveaux : notre expérience influe sur la clarté et la cohérence de notre conception de l'Idéal - et notre expérience du réel et notre conception de l'Idéal influent sur les moyens que nous estimons nécessaires pour approcher cet Idéal.

    En somme, il y a trois questions :
    -perception du réel.
    -conception de l'idéal.
    -manière de faire advenir au mieux l'idéal dans le réel.

    Notons que l'on ne peut dissocier la question de l'Idéal de celle du Bien, puisque se demander si ceci ou cela nous rapproche de l'Idéal revient à se demander si c'est mieux, ou moins bien, de le faire ou pas.

    Ainsi, en fonction du degré de "bien" que l'on découvre dans telle ou telle chose, on peut établir une hiérarchie des idéaux : mon propre bonheur, c'est bien. Mais le bonheur de la famille c'est mieux, mais le bonheur de la patrie c'est encore mieux, mais le bonheur de l'humanité c'est encore encore mieux!
    Evidemment, à chaque fois, l'idéal parait plus éloigné et irréaliste. Mais enfin, puisque nous discutons de l'idéal, autant de l'envisager dans toute son extension.

    Concernant l'Idéal républicain, j'avais des tas de choses intéressantes à en dire. Si si. Hélas, mes idées sont comme ces petits oiseaux sauvages qui, amicaux, se posent parfois prêts de nous lorsqu'ils nous sentent attentifs et prêts à les nourrir. Ils viennent, me font la sérénade mais ne restent pas longtemps. Et les occupations qui m'ont tenues éloignées de vous ont fait fuir ces petits oiseaux!
    Bref : il va falloir que j'aille un peu à nouveau à la pêche de mes propres idées pour vous en faire ici une bouillabaisse, peuchère!
    (Je sais que mes oiseaux sont devenus des poissons, mais, je vous en prie, faites mine de rien!)

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  11. Salut, c’est Meuh Meuh Bouton d’Or


    Cher Marc,

    Évitez de faire des compliments à notre âne, ça lui monte vite à la tête. Merci pour lui néanmoins.

    Le problème avec la hiérarchie des idéaux, n’est-ce pas que, mise au service de gens malintentionnés, elle peut conduire les gens au sacrifice pour des causes douteuses ? « On croit mourir pour la Patrie et on meurt pour des industriels », ou pire, on sacrifie les autres à la Cause. C’est pourquoi je suis réticente et baisse les cornes, et non la garde.

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  12. Bonsoir Meuh Meuh,
    Vous avez tout à fait raison et cette prudence est nécessaire lorsqu'il s'agit de mettre en place une politique. Il faut donc garder cet avertissement à l'esprit dans la phase de "mise en oeuvre".
    Pour autant lorsque nous nous contentons de réfléchir "dans l'idéal", rien ne nous empêche de faire cette hiérarchie.

    Ensuite, les deux cas que vous évoquez doivent être distingués : dans le premier, on est victime d'une manipulation, dans le second, on sacrifie volontairement les autres à la cause.
    Ce second cas peut assez facilement être traité, même du point de vue de l'idéal : s'il nous semble à l'un et l'autre qu'il n'y a rien d'idéal à devoir sacrifier les autres à un idéal, c'est que ce n'est plus un idéal (me suivez-vous?) Et, dès lors, le processus de hiérarchie doit conduire à congédier ce "pseudo-idéal" à un rang inférieur.
    Ceci réclame évidemment que l'on analyse bien notre conception de l'idéal.

    Le premier cas est plus compliqué puisqu'il ajoute une mauvaise perception de la réalité : celui qui se fait manipuler peut avoir une mauvaise conception de l'idéal mais surtout il ne voit pas le réel tel qu'il est (on le lui empêche en le manipulant).

    Ce qui nous pose la question : dans la mise en œuvre d'un idéal, qu'est-on autorisé à faire? Peut-on tromper si c'est pour la bonne cause? Faut-il ne pas désespérer Billancourt?

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  13. Lu dans la Presse (photo à l’appui: une bétaillère pleine de zèbres):

    « Les employés du service de la faune ont entamé le spectaculaire transfert de quelque 7000 zèbres d’une réserve de l’ouest du Kenya vers le parc d’Amboseli, à 300 km plus au sud. L’opération, qui doit durer jusqu’au 28 février, vise à repeupler ce parc en gibier pour les lions et les hyènes de façon à ce que ceux-ci n’attaquent pas les troupeaux de bétail aux alentours. Conséquence de la sécheresse qui touche depuis plusieurs années la Corne de l’Afrique, et le Kenya en particulier, des milliers de zèbres et de gnous sont morts l’an dernier dans le parc Amboseli. » (AFP).

    Dur dur pour les équidés (sans oublier les gnous, chère Meuh Meuh !).

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  14. Melchior, à Saint Isidore vous "dépiaussez" les lapins décédés brutalement, moi j'ai appris à les "dépiauter" ou à "leur enlever le pyjama".
    J'avoue avoir plus salivé sur la partie gastronomique de ce charmant repas que sur sa partie philosophique.
    Mais on peut aussi philoso-saliver sur le concept du tiramisu idéal ! Ca me parle un peu plus.

    Par exemple, quid du tiramisu du jardin d'Eden ? Qui a craqué et croqué dedans en premier, Eve ou Adam ? Et une fois cet obscur objet du dessert/désir consommé, l'idéal a-t-il cessé d'être ou fut-il à nouveau rêvé sous une forme améliorée ? (tiramisu aux framboises, aux poires, façon créole au melon, aux marrons glacés....)
    En ce qui concerne la notion de communisme réalisé futuriste, par contre je coince un peu. J'ai du mal à imaginer un tiramisu collectif d'une teinte rouge vermillon. Ou disons plutôt que mon tiramisu idéal dans un avenir à plus ou moins long terme se situerait dans une marmite au-dessus de laquelle flotterait un drapeau noir ! Donc, même si je sais que ce cet idéal mascarponé n'est qu'une utopie, je pense néanmoins qu'il me permet de digérer au mieux mes p'tits beurres des matins riants (de Lu quand même, faut pas déc'!), au pire les biscottes rassises (ou redeboutes, c'est selon !)des mauvais jours. On compense (crunch aussi !) notre insatisfaction comme on peut, mais avec les biscottes, au niveau projection inversée c'est plus facile.

    Pour le Tira-Messie, je passe mon tour. Un peu trop nébuleux comme concept pour une mécréante comme moi.

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  15. Voyons, voyons...en ce dimanche d'absence de notre Bourrique de charme, serions-nous privés de déjeuner?

    Marc le platonicien nous promet une bouillabaisse d'oiseaux-poissons. De poissons volants ou de oiseaux nageurs? Pour l'instant, je ne sens nul fumet, ce qui est heureux dans le fond pour les bébêtes.... Il nous parle d'un Idéal en soi, immuable et le même pour tous.... C'est bien ce que j'avais cru comprendre. Mais peuchère que c'est compliqué, car chacun voit midi à sa porte, et souffre parfois de biais perceptifs, cognitifs ou émotionnels.

    Mon Idéal de l'identité d'humain, je l'ai exprimé à travers la Fable d'Ellulie, par delà la différence. Ellulie est l'un de mes guides, dans la caverne parfois si obscure et si opaque des relations humaines.

    Je partage la méfiance de Néfertari devant le tiramisu collectif. Personnellement, je n'aime pas la saveur de café dans ce dessert, et je préfère donc qu'il y ait une diversité de composition, qui permet de partager le plaisir en respectant la singularité de chacun. Miam ;-)

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  16. Chère Monica,

    J'aime bien l'appellation "Marc le platonicien", cela me rappelle les textes anciens où, assis à un banquet, justement, s'entretenaient des philosophes définis par l'école à laquelle ils appartenaient et en fonction de laquelle ils argumentaient - tout en ayant conscience de leurs propres faiblesses. Ce qui donnait l'occasion d'échanges fort intéressant et me donne l'envie, tout à fait hors sujet, de demander à la cantonade : si vous deviez vous définir par une désignation philosophique, laquelle choisiriez-vous? (Bon, ce n'est pas évident de répondre, même moi, j'ai mis du temps avant de me dire que j'étais finalement assez proche de Platon).

    Tout le problème de l'idéal est, je crois, d'associer le partage (donc l'universel) et le respect des singularités : dans quelle mesure le respect de ma singularité est-elle compatible avec celle de l'autre si l'autre ne reconnait pas les mêmes valeurs universelles que moi?
    D'où la burka.

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  17. L’UNESCO a inscrit le 16 novembre 2010 “le repas gastronomique des Français”sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

    Lancée en 2006 par des gastronomes et de chefs sur le thème “la cuisine, c’est de la culture”, la candidature s’appuyait sur un comité de soutien ayant recueilli plusieurs centaines de signatures dont celles des illustres Paul Bocuse, Alain Ducasse, Pierre Troisgros, Marc Veyrat, etc… Le président lui-même avait souhaité une telle reconnaissance mondiale pour le patrimoine gastronomique français à l’occassion du Salon de l’agriculture 2008.

    La Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité est composée de ces expressions qui démontrent la diversité du patrimoine immatériel et qui font prendre davantage conscience de son importance.

    Dans sa Décision 5.COM 6.14, le Comité a décidé que le repas gastronomique français satisfaisait aux critères d’inscription sur la Liste représentative.


    Le Comité retient que le repas gastronomique des Français constitue une pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles. Il s’agit d’un repas festif dont les convives pratiquent, pour cette occasion, l’art du « bien manger » et du « bien boire ».

    Le repas gastronomique met l’accent sur le fait d’être bien ensemble, le plaisir du goût, l’harmonie entre l’être humain et les productions de la nature.

    Parmi ses composantes importantes figurent : le choix attentif des mets parmi un corpus de recettes qui ne cesse de s’enrichir ; l’achat de bons produits, de préférence locaux, dont les saveurs s’accordent bien ensemble ; le mariage entre mets et vins ; la décoration de la table ; et une gestuelle spécifique pendant la dégustation (humer et goûter ce qui est servi à table).

    Le repas gastronomique doit respecter un schéma bien arrêté : il commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert. Des personnes reconnues comme étant des gastronomes, qui possèdent une connaissance approfondie de la tradition et en préservent la mémoire, veillent à la pratique vivante des rites et contribuent ainsi à leur transmission orale et/ou écrite, aux jeunes générations en particulier. Le repas gastronomique resserre le cercle familial et amical et, plus généralement, renforce les liens sociaux.

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  18. "il commence par un apéritif et se termine par un digestif"
    Et rien sur le "trou normand" ? Peuh!

    Commentaire de Meuh Meuh Bouton d'Or, secrétaire générale du Mouvement Européen Unifié des Herbages.

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  19. Essai de mise en lien:

    ici

    (C'est une oeuvre de jeunesse du père Griffouchose).

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  20. Oui, chère Meuh Meuh, j'abonde dans votre sens.

    Et j'ajoute qu'il y a dans cette définition une hypocrisie: quid des vins qui accompagnent les "quatre plats entre l'apéritif et le digestif"? Cela ferait au minimum 3 boissons alcoolisées pour ce repas gastronomique...

    Les surveillants de la bienséance auraient-ils manipulé les ciseaux à caviar(dage)?

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  21. Bravo mon cher Melchior pour la mise en lien.

    Et merci à Griffollet de nous décrire avec un tel miaou-talent le caractère mortel des repas dominicaux. Oh oui!

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