dimanche 26 juillet 2009

ALBERT JACQUARD - LES GAVES DU NORD



ALBERT JACQUARD - LES GAVES DU NORD


par Jean Mézières




Un grand Merci à France-Inter, à Laurence Luret. Durant l'absence d'Albert Jacquard, je me demandais : que devient-il ? Je m'étais aperçu que depuis des années les médias le boycottaient, le «blacklistaient». Serait-ce à cause d’une autocensure?

Chers enseignants, laissez tomber vos statistiques et vos critères individualisés ! Malgré les protestations des parents et les rappels de votre hiérarchie, faites réfléchir vos élèves sur ce sujet qui les concerne.

Pour les autres, si vous êtes pour la sélection naturelle dirigée, le darwinisme humain ou sociétal, passez votre chemin!

Si vous pensez que dans ce monde seul le cynisme compte, que pour avoir la paix, il faut préparer la guerre, que les Africains n’ont pas pris leur destin en main, que vous êtes choisis par la force suprême, que vous êtes les élus de Dieu, que l’occident est, inévitablement, le maître du monde, que la dignité humaine est pour les naïfs, qu’il est normal de faire appel à de l’immigration choisie pour faire le ménage dans votre bureau et de laisser cette mère de famille voir ces enfants interdits d’entrée en France, une fois par an, ayez le courage de lire la suite!

ÉMISSION "PARENTHÈSE" ANIMÉE PAR LAURENCE LURET
Samedi 25 juillet 2009
Spécial été: Regard sur la crise,
avec Albert JACQUARD, philosophe, Président d'honneur du DAL (Droit Au Logement), auteur de Le compte à rebours a-t-il commencé? (stock)

VERBATIM DE L'ÉMISSION

- Laurence Luret : … Si je vous ai invité ce matin, c’est pour le regard que vous portez sur cette crise que nous traversons depuis près d’un an. Rappelons qu’elle a débuté à la fin de l’été dernier. Alors d’abord, Albert Jacquard, cette crise vous la trouvez absurde. D’ailleurs vous lui préférez le mot de mutation. Pourquoi?

- Albert Jacquard : Pourquoi? Parce qu’une crise cela évoque une crise de larmes. Alors on commence à pleurer et puis un beau jour on s’arrête. Une crise c’est quelque chose de provisoire. «Après la pluie, le beau temps» disait le proverbe. Alors que ce que nous vivons, c’est un changement en profondeur. Il faut comprendre que malgré tous les efforts pour revenir à l’état précédent, je crois que l’on ne pourra pas revenir à l’état précédent. C’est trop profond. Par conséquent, on est en présence d’une mutation comme disent les biologistes, les généticiens. Et cette mutation, elle peut être l’occasion de changement très en profondeur. Si bien qu’au lieu d’être triste de cet événement, il faut se dire, c’est peut-être une opportunité formidable pour changer les choses qui sont tellement lourdes à changer.

- LL : Alors une époque est donc révolue! Mais laquelle? Qu’est-ce qui a changé fondamentalement?

- AJ : On a montré de toute évidence que ceux qui nous dirigent du point de vue économique n’y connaissent rien, parce que personne n’y connaît rien. Parce que, peut-être, il n’y a même pas d’objet à l’économie.
Pour préparer ce bouquin, je me suis replongé dans des cours que j’ai suivis à l’école des Mines - il y a pas mal de temps -, d’un professeur qui a eu le prix Nobel, qui est Maurice Allais.

Et Maurice Allais, qui s’y connaît, écrit quelque part que la notion de valeurs qui est au centre de tous les raisonnements économiques, cette notion n’a pas de sens.

Ce qui fait la valeur d’un objet, d’une situation, de n’importe quoi, ce n’est pas cet objet lui-même mais c’est l’ensemble de son environnement ; un verre d’eau au milieu du Sahara n’a pas la même valeur qu’un verre d’eau dans votre studio.

Par conséquent, ce qui compte quand on parle de la valeur, c’est de le définir. Alors on n’y arrive pas, ce n’est pas possible. Si bien que, si on suit ceux qui, vraiment, y ont réfléchi, on se dit qu’il y a une erreur énorme à vouloir mettre un nombre, un chiffre en face d’un concept aussi mal fichu, mal défini que la valeur.

- LL : Donc la crise actuelle aurait rendu obsolètes, selon vous, des raisonnements antérieurs qui posent les problèmes en terme, tout compte fait, de forces, de faiblesses, de valeurs, de non valeurs?

- AJ : Et on va pouvoir essayer de mettre des rapports entre les hommes qui ne soient pas liés au concept de valeurs et il suffit d’imaginer un certain nombre de crétineries que nous faisons. Pour moi, celle qui est la plus fondamentale, c’est d’avoir admis dans notre société occidentale que l’essentiel dans une vie c’était de l’emporter sur les autres. Oser dire à un enfant «tu seras un gagnant», c’est finalement être criminel.

- LL : Pourquoi ?

- AJ : Parce qu’il n’a pas à être gagnant ni perdant. Il a à vivre, il a à construire sa vie et l’essentiel c’est de comprendre au départ de tout que, une vie d’homme, çà se construit peu à peu en liaison les uns avec les autres. Et par conséquent, oser, vouloir être le premier, c’est déjà admettre que l’on se dissocie.

- LL : Mais est-ce que ça ce ne sont pas des propos d’un utopiste et même d’un doux rêveur? On aimerait bien être tous comme ça.

- AJ : Mais à quoi ça sert d’être un être humain? Alors il faut en revenir, je vais essayer de préciser ça. Il faut en revenir à la définition de l’être humain.

Qu’est-ce que je suis? Je suis un objet. Je suis fait avec des protons, des neutrons, des molécules. Donc je suis un objet. Je suis un objet vivant, parce que je fais partie des objets qui sont capables de se renouveler, de se reproduire. Mais je suis aussi un primate.

Et puis en fin de course qu’est-ce que j’ai de particulier? Ce que j’ai de particulier, c’est que j’ai la capacité à me construire moi-même en liaison avec les autres. C’est ça la grande découverte de l’humanité, le grand pas en avant. Le pas en avant c’est que si je prends conscience de ce que je suis, je me dis que j’ai besoin des autres pour devenir moi et c’est cela qu’il faut apprendre à l’école. Oser monter une société sur la compétition, c’est accepter la catastrophe et c’est ça peut-être qu’il faudrait comprendre actuellement.

- LL : Alors dans la même idée, on commence tout juste à parler un petit peu moins de croissance.

- AJ : Il a fallu se battre.

- LL : ça fait des années que vous en parlez, vous. Vous voulez la décroissance.

- AJ : Mais je me dis, la croissance, c’est 1, 2, 3% par an. Cela ne semble pas beaucoup mais au bout d’un siècle, c’est tellement énorme que chacun aura 20 fois plus d’objets dont il disposera que actuellement. J’aurai donc, au lieu d’une voiture que j’ai actuellement, j’en aurai vingt au bout d’un siècle. Qu’est-ce que je vais en faire? Bon! Ce n’est pas sérieux. La notion de croissance est incompatible avec la réalité de la finitude de la planète.

- LL : Oui mais alors, un des arguments inverses, c’est nous dire «sans croissance l’humanité risque de stagner».

- AJ : Eh bien, ce qu’il faut c’est absolument qu’il y ait une croissance mais pas pour tout le monde, une croissance pour ceux qui ont le plus besoin de croissance, donc ceux qui sont actuellement complètement abandonnés. Il suffit admettre quelques chiffres que tout le monde connaît; que 20% des humains possèdent 80% des richesses. On se dit que ce n’est pas durable.

- LL : Oui, 500 familles les plus riches possèdent autant qu’un milliard d’hommes.

- AJ : Totalement monstrueux pour en tirer les conséquences, il faut accepter que les gavés que nous sommes – nous, les occidentaux -, que ces gavés acceptent d’être un petit peu moins gavés et on n’y perdra pas en bonheur. Donc oui, à la croissance mais à condition que ce soit une croissance, non pas de la consommation mais des bonheurs que nous avons ailleurs qu’à la consommation.

- LL : Mais le contexte est très difficile économiquement, beaucoup de gens sont au chômage. Il y a beaucoup de difficultés tout autour de nous, il suffit de regarder. Pourtant on a l’impression que la prise de conscience de ce monde n’est pas encore là. Pourquoi?

- AJ : Parce ce que on n’est pas habitué à regarder le long terme. Par conséquent il faut revenir à l’exposé de ce que nous sommes, commencer par l’émerveillement devant l’être humain. Ensuite dire que la planète n’est pas mal, mais ça c’est secondaire. Quel émerveillement devant l’être humain et surtout l’émerveillement devant le fait qu’un être humain ça se construit.

Ce n’est pas fourni par la nature. La nature nous fournit les gènes qui lui sont nécessaires, mais ce qu’elle nous donne de plus c’est la possibilité de rencontrer les autres.

Et ce que je suis en tant qu’être humain, en tant que personne, c’est ce que je suis devenu
. Si on dit ça devant des enfants, ils seront bien d’accord. Ils sont l’aventure à vivre qui est autre chose que l’aventure de la compétition.

Il y a de quoi être écœuré se dire, surtout quand on est au bas de l’échelle : «jamais je ne pourrai quitter mon sort sauf un coup au but de temps en temps, je n’y arriverai jamais». Donc que faire? Sinon être d’abord révolté, ensuite révolutionnaire. Comment voulez-vous qu’il ne le soit pas puisqu’ils ont un destin qui est bloqué? Eh bien, il faut à nouveau débloquer les destins. Ça suppose que ceux qui actuellement consomment tout, nous les occidentaux [Laurence Luret : les gavés de nord comme vous les appelez], les gavés du Nord, il faut qu’ils aient la possibilité, la volonté surtout de diminuer leur gavage.

- LL : Albert Jacquard vous êtes aussi le produit de ce système et notamment ce système de compétition? Vous êtes polytechnicien. Que vous a appris la vie et que retenez-vous de ce passage sur Terre que polytechnique ne vous a peut-être pas appris?

- AJ : Le but, ce n’est pas d’être celui qui comprend le plus vite. C’est celui qui comprend et qui aide les autres à comprendre à leur tour. Par conséquent, ce que j’ai appris, moi, depuis, c’est justement la richesse de ceux qui m’entouraient. Vous avez évoqué tout à l’heure «Droit Au Logement» ça m’a donné des contacts avec des gens que je n’aurais jamais rencontrés autrement.

Ce qui compte, c’est ce qu’on va devenir peu à peu en se fabriquant soi-même grâce aux autres. Je ne crois pas que ça soit du catastrophisme que de se dire que, on pourrait imaginer une école sans compétition. On en construit déjà quelque part. Il y en a au Québec, il y en au Luxembourg. Pourquoi pas la généraliser ? Et surtout présenter çà comme au moins conforme à la réalité humaine.

- LL : Mais vous parlez souvent de la richesse des rencontres entre les hommes. Qu’est-ce qui vous a permis, ou quelle rencontre vous a permis, de devenir ce que vous êtes, vous, aujourd’hui, Albert Jacquard?

- AJ : Comment répondre ? Bien sûr, je peux évoquer des gens comme l’Abbé Pierre. C’est une rencontre extraordinaire et puis c’est la rencontre surtout par la lecture et par la science de tous ceux qui ont essayé de comprendre le monde : Henri Poincaré, Einstein, etc..

Ce qui reste d’Albert Jacquard d’aujourd’hui, c’est tout ce qui l’a étonné quand il a relu tous ces textes, quand il a réécouté tous ceux qui lui parlaient du monde.

http://sites.radiofrance.fr/play_aod.php?BR=4034&BD=25072009

20 commentaires:

  1. Cher Jean,

    Merci d'avoir publié ton Billet sur ce blog.

    Je réagis tout de suite sur la personnalité d'Albert Jacquard, qui m'est toujours apparu comme un grand utopiste extrêmement touchant, authentique, défendant des valeurs complètement mises de côté aujourd'hui. Il est à mes yeux une sorte de "mutant".

    Or, c'est ce terme qu'il met en valeur d'emblée, lorsqu'il dit que nous ne sommes pas aujourd'hui dans une "crise": Une crise c’est quelque chose de provisoire. «Après la pluie, le beau temps» disait le proverbe. Alors que ce que nous vivons, c’est un changement en profondeur[...] on est en présence d’une mutation comme disent les biologistes, les généticiens.

    Je retiens donc dans ce premier commentaire cette distinction capitale entre une "crise" (état passager) et une mutation profonde (qui touche aux structures).

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  2. Un grand merci , je vais lire, relire et méditer.
    Pouvez vous nous signaler des émissions que vous avez repéré et qui méritent le détour?

    Merci
    Marie

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  3. La notion de "mutation" est très forte. Elle correspond bien à ce que nous sommes nombreux à ressentir aujourd'hui. Nous nous regardons, éberlués, dépassés par les événements, ayant l'impression qu'il se passe quelque chose, mais nous n'avons pas les mots, les concepts, pour en parler et l'analyser.

    C'est sans doute parce que la mutation est profonde, et que tous les vieux "logiciels" des pensées politiques sont devenus obsolètes.

    Seuls les mouvements "réactionnaires" (dits jusqu'alors "de droite") qui ne font qu'amplifier les systèmes d'inégalités, gardent leurs points de repères, en les habillant de façon new-look avec le terme falsificateur de "réforme".

    Les mouvements politiques dont l'objectif est un réel changement ont perdu le nord, ne savent plus où ils habitent. C'est d'autant plus grave que c'est sur eux que repose l'espoir d'un remaniement profond, structurel de l'ensemble du monde. Car, comme le dit et redit Jacquard, c'est en réfléchissant en termes mondiaux que l'on peu définir une politique, qui ne soit pas le renforcement des systèmes actuels d'inégalité.

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  4. Jacquard se réfère à Maurice Allais, physicien et économiste, qui a obtenu le Prix Nobel de Sciences Économiques en 1988. En Physique et en Économie, Allais a recherché l'anormal, l'exceptionnel et a débusqué le faux dans les idées reçues.

    Maurice Allais a analysé la crise dans un article que l’on peut se procurer sur le site suivant : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/messages_recus/La_crise_mondiale_d_aujourd_hui_Maurice_Allais_1998.pdf

    En 2007, Maurice Allais a publié un ouvrage de synthèse sur la mondialisation intitulé La mondialisation : la destruction des emplois et de la croissance, l'évidence empirique dans lequel il conteste l'idée que le développement incontrôlé du commerce mondial soit bénéfique à tous les pays. Sa conclusion se fonde sur une analyse statistique des courbes de croissance et de chômage en France entre 1950 et 2000.

    Depuis 1993, ses prises de position ont servi de caution à ...l'extrême-droite: le Front national dit s'inspirer des idées récentes d'Allais dans son programme économique (Maurice Allais n'a pas fait de commentaire sur cette appropriation de ses idées).

    Ses propositions concernant la création monétaire, le système bancaire et boursier sont en revanche «révolutionnaires» de même que ses propositions concernant la fiscalité dans le livre Pour la réforme de la fiscalité.

    Il a publiquement pris position contre le traité constitutionnel européen (Maurice Allais, "Aveuglements", Le Monde, 14 mai 2005), et s'est également exprimé sur l'Europe dans l'ouvrage paru en décembre 1995 L'Europe en crise. Que faire?

    Une pensée complexe, donc, très nuancée, qui échapperait au clivage traditionnel droite/gauche...

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  5. J’ai le plus grand respect pour Albert Jacquard, qui est l’une des consciences de la France contemporaine. Cela dit j’ai quelques désaccords avec ses propos.

    La notion de valeur est tout à fait essentielle au raisonnement économique, quelle que soit son orientation. Que Maurice Allais ait insisté auprès de ses étudiants sur la difficulté de cette notion, c’est une chose. Mais il ne leur a sûrement pas dit qu’on pouvait s’en passer: sous ses deux aspects, valeur d’usage et valeur d’échange, elle est à la base des échanges et de la production.

    Dans un monde où l’expansion démographique va porter le nombre d’humains à neuf milliards dont une grande majorité de très démunis, on ne satisfera pas les besoins élémentaires sans une forte croissance (ce qui ne signifie nullement une accumulation d’objets superflus). Que cette croissance globale doive s’accompagner d’une « décroissance sélective », comme disait Europe Ecologie, et une réorientation de la production, c’est autre chose.

    J’approuve le reproche fait au néo-libéralisme (qui n’est ni nouveau ni libéral) d’exacerber l’esprit de compétition aux dépens de l’esprit de coopération Cela ne signifie pas que l’émulation doive être éliminée des rapports humains, ni que la « concurrence libre et non faussée » soit la monstruosité qu’on a prétendue.

    Mais je ne veux pas être trop long, ni trop critique à l’égard d’Albert Jacquard, dont le cri du cœur est, à tout prendre, salutaire.

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  6. Cher Melchior,

    Effectivement, Allais n'a pas mis en cause la notion de valeur, mais il en a analysé et relativisé certains présupposés. C'est pourquoi j'ai renvoyé au lien de l'un de ses articles... et souligné au passage l'étrange fait que sa pensée puisse être revendiquée par l'extrême-droite et la gauche. Mais je ne connais pas suffisamment ses thèses économiques (je m'y perds, je l'avoue) pour aller au-delà de ce constat.

    Pour atténuer un peu votre propos sur la (dé)croissance, je cite Jacquard: ce qu’il faut c’est absolument qu’il y ait une croissance mais pas pour tout le monde, une croissance pour ceux qui ont le plus besoin de croissance, donc ceux qui sont actuellement complètement abandonnés.

    Jacquard met donc l'accent sur la nécessité absolue de penser la croissance en privilégiant les plus démunis.L'idée semble bonne.

    Pour la "compétition" je vous suis assez bien. Lorsque j'entends Jacquard parler, ou que je le lis, j'ai l'impression d'une grande utopie, d'un grand idéalisme un peu "naïf" qui ne tient pas compte de certains traits humains, hélas.

    Mais, comme vous le dites aussi, les cris du cœur et la générosité sont tellement bons à prendre aujourd'hui. Ils sont le contrepoint des discours hyper-réalistes et cyniques dont nous sommes abreuvés.

    Ils ont donc toute leur place, jouant la fonction précieuse d'aiguillon moral.

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  7. Il y a une autre pensée que je trouve très belle chez Jacquard: c'est son "émerveillement" devant l'être humain, dont il rappelle qu'il n'est rien sans les autres:

    un être humain ça se construit. Ce n’est pas fourni par la nature. La nature nous fournit les gènes qui lui sont nécessaires, mais ce qu’elle nous donne de plus c’est la possibilité de rencontrer les autres.

    Il a tellement raison: c'est dans le rapport à l'autre que l'enfant se construit, c'est dans le rapport aux autres que nous élaborons et remanions notre identité.

    L'humain est un être social, il n'est pas un corps biologique devenant membre d'un groupe. Il est d'emblée les deux à la fois.

    Et, à l'heure du retour en force de certaines thèses génétiques déterministes, qui oublient les interactions gènes et environnement, ce rappel est hautement nécessaire.

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  8. Une autre belle phrase de Jacquard sur la croissance, c'est celle-ci:

    Donc oui, à la croissance mais à condition que ce soit une croissance, non pas de la consommation mais des bonheurs que nous avons ailleurs qu’à la consommation.

    Eh oui, les bonheurs...ne les oublie-t-on pas parfois, dans la quête effrénée des "avoir", des "posséder" et des "paraître" ?

    Une quête effrénée dont nous mesurons les effets délétères sur les enfants de nos pays, "gavés", qui délaissent les montagnes de jouets qu'ils reçoivent sans savoir en jouir.

    A propos de "gaver", je pense à une expression tendance que j'ai en horreur: "ça me gave". Ce n'est peut-être pas un hasard si ce terme s'est imposé...

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  9. « Qui ne dit mot, consent ». Alors le petit tas de poussière d’étoile (pour Hubert Reeves) ou de molécules (pour Albert Jacquard) que je suis, espère, grâce à vous, grâce à nos rencontres (virtuelles et peut-être réelles un jour), ne pas avoir trop honte quand il faudra partir et voir cette jeune génération prendre la relève. En ayant de nombreux exemples de réussites, grâce à l’internet (pour combien de temps ?), grâce à vous les petits ruisseaux font les grandes rivières.

    Le « Carpe Diem » de Monica, c’est notre rayonnement, nos échanges qui nous construisent. Mettre en valeur le positif pour être une petite lumière, une toute petite lumière -découragée quelques fois -, et savoir, en même temps, se protéger et dire « NON ». Ne pas savoir dire NON est le premier pas vers la servitude (La Boétie au XVIe siècle).

    Etant agnostique, n’ayant pas la chance de tout justifier par du spirituel, n’étant pas également matérialiste, me sentant l’égal à Marie, camerounaise qui a laissé ses deux enfants en Afrique, je ne crois pas aux flagellations perpétuelles, aux replis mystiques pour sauver toutes nos bêtises, tous nos ignominies, comme je ne crois pas également au « Qu’est-ce qu’on y peut ? », à l’égocentrisme, au nombrilisme dans un « j’en foutre » planétaire.

    C’est pour cela que j’ai rajouté le paragraphe « passer votre chemin » ainsi que le suivant. Il est grand temps d’aller un peu au fond des choses pour pouvoir vraiment décortiquer le maëlstrom de toutes ces forces obscures, NOS forces obscures, NOS comportements de consommateurs, de citoyens (néo-libéralisme, imbrication internationale, France-Afrique, les spoliations et les massacres réels (Gabon, Rwanda), mafia, lobbies, obédiences, groupe d’influences, etc..), de tous ces pouvoirs multiples.

    Bien plus que le mur de Berlin, tout s’est écroulé ; Mitterrand-1983, les fourches caudines du libéralisme, la gauche en 2002 avec la bêtise de la prétention et la méfiance dans ceux qui ont trahi, le vrai projet européen torpillé par les Barroso & Co., et sur un champ de ruines avec des renoncements l’apothéose de la sarkozie qui n’est qu’une conséquence et non une cause.

    Qui sommes-nous ? L’utopie n’est-elle qu’un rêve inutile ? Rassurez-vous ! Notre cher omniprésident l’a bien comprise ; avec lui « Tout est possible ou tout devient possible ». On peut même rêver à pas cher, il suffit d’adhérer et on s’occupe de nous. Que du bonheur en actions et sachets !

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  10. Cher Jean, nous sommes tous les uns pour les autres des petites lumières qui s'éteignent et s'allument, clignotent sans cesse, nous rappelant que nous ne sommes jamais vraiment seuls. Quand nous croyons être dans l'obscurité, nous voyons poindre la petite lumière de l'autre, au loin, et nous reprenons notre souffle.

    Il ne faut jamais oublier l'autre, qui est à l'horizon de nos possibles...Mais pour voir l'autre, il faut savoir parfois s'oublier un peu, sortir de soi, com-prendre l'autre (le prendre avec soi, se mettre à sa place). Combien de conflits et de douleurs seraient évités si nous mettions tous en œuvre, à certains moments, cette capacité à "se mettre à la place de l'autre".

    Car nous saurions alors qu'il ne faut pas infliger à l'autre ce que nous ne supporterions pas qu'il nous inflige.

    Tu as raison de souligner que sans le "côté obscur de la force" - notre côté sombre et destructeur -, nous ne serions pas arrivés aujourd'hui là où nous en sommes. Il a bien fallu que nous courbions l'échine, renoncions aux idéaux, pour accepter ce qui est de fait inacceptable, et ne plus savoir dire NON.

    Ce côté obscur de la force, Jacquard le connaît, en a vécu les blessures jusque dans sa chair, mais il nous interpelle au-delà: vers le sublime, le merveilleux de l'humain.

    Il joue en ce sens le rôle d'un phare qui éclaire, dans la nuit, tous les bateaux, frêles ou solides, qui risquent au cours des tempêtes de se briser sur les esquifs.

    L'utopie est un phare, que gardent des veilleurs...

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  11. Crise, décroissance, récession...
    Le FMI voit la France en "récession profonde"
    NOUVELOBS.COM | 31.07.2009 | 17:08
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    Plus pessimistes que le gouvernement français, les experts de Washington estiment un retour à une croissance supérieure à 2% en 2013 seulement, et soulignent l'impact de la dette.

    Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire international (FMI) a déclaré dans son rapport "les perspectives risquent d'être révisées à la baisse".

    Dans son rapport publié vendredi 31 juillet, le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré que "l'économie française n'avait pas été à l'abri de la crise mondiale". "Le pays se trouve dans une récession profonde, le chômage est en hausse et le secteur financier est sous tension", explique le FMI. La France doit faire face à une "récession profonde", un chômage en hausse et un secteur financier "sous tension" mais la priorité est de limiter les déficits et "d'éviter une dynamique insoutenable de la dette", estime le FMI dans son rapport annuel sur l'économie française.

    Du jamais vu depuis 1949

    Selon les experts de Washington, le produit intérieur brut (PIB) de la France devrait reculer de 3% cette année, du jamais vu depuis 1949, "avant de se redresser progressivement" pour gagner seulement 0,4% en 2010. Une prévision en ligne avec celle du gouvernement français.

    Mais alors que ce dernier table sur une croissance de 2,5% en 2011 et 2012, il faudrait attendre 2013 pour que la France retrouve une croissance supérieure à 2%, comme avant la crise internationale, estime le FMI.

    Mise en garde sur la dette
    Le taux de chômage atteindrait de son côté 9,5% de la population active fin 2009, puis 10,2% en 2010. Il ne refluerait que progressivement, pour s'établir à 8,1% en 2014.
    Même si les projections économiques "sont entourées d'une incertitude inhabituelle à ce stade", "les perspectives risquent d'être révisées à la baisse", avertit le Fonds.
    Conséquence de la crise et du plan de relance, le déficit public devrait être de l'ordre de 7,5% du PIB en 2009 et 2010 et resterait à 5,2% en 2014, bien au-delà de la limite de 3% autorisée par le pacte de stabilité européen.

    Les finances publiques

    "Il est prioritaire, pour les années à venir, de préserver la viabilité des finances publiques à moyen terme et d'éviter une dynamique insoutenable de la dette", insiste le Fonds.
    Selon les estimations du FMI, la dette publique (Etat, sécurité sociale et collectivités locales) devrait passer de 77,5% du PIB cette année à 83,9% l'an prochain. Elle ne cesserait ensuite de s'alourdir pour atteindre 95,6% en 2014.
    (Nouvelobs.com)

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  12. Perspective bien sombre que nous donne le FMI...
    Car si la dette publique (État, sécurité sociale et collectivités locales) passe de 77,5% du PIB cette année à 83,9% l'an prochain...

    ...Voilà qui va pouvoir justifier, s'il en était besoin, la réduction drastique du nombre de fonctionnaires, et la poursuite du démantèlement du service public.. On voit d'emblée en quoi cela va favoriser la réduction du chômage...

    Le plus frappant, une fois de plus, c'est la façon dont l'"économie" apparaît comme une réalité intangible et inamovible, à laquelle devraient s'adapter, jusqu'à extinction complète, les citoyens que nous sommes.

    Une société dont l'économie serait en bon état serait-elle dans le fond une société sans plus aucun être vivant ?

    Au secours, Albert Jacquard, ils marchent sur la tête en nous cassant les pieds.

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  13. Une analyse intéressante de la crise financière en Islande par Eva Joly
    http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/08/01/l-islande-ou-les-faux-semblants-de-la-regulation-de-l-apres-crise-par-eva-joly_1224837_3232.html
    ______________________________________
    Ce petit pays de 320 000 habitants voit peser aujourd'hui sur ses épaules 100 milliards de dollars de dettes, avec lesquelles l'immense majorité de sa population n'a strictement rien à voir et dont elle n'a pas les moyens de s'acquitter.
    J'ai été amenée à m'intéresser à l'Islande en raison de mon travail de conseillère pour l'enquête pénale sur les causes de la défaillance de ses banques, à l'origine de ses difficultés. Mais mon propos ne concerne pas cette enquête ; il l'excède largement […] Emue par le destin de ce peuple méritant et attachant, et par l'absence totale de débats dans les médias européens sur le sort qui lui est réservé, je souhaite simplement attirer l'attention de l'opinion publique sur les enjeux auxquels renvoie ce dossier – des enjeux considérables et qui ne se cantonnent pas aux seuls rivages de cette île. L'attitude irresponsable de certains états, de l'Union européenne et du FMI face à l'effondrement de l'économie islandaise démontre leur incapacité à tirer les leçons de la remise en cause radicale du modèle qu'elle incarnait – celui de la dérégulation à outrance des marchés, en particulier des marchés financiers, que la plupart de ces mêmes acteurs ont contribué à mettre en place.
    Prenons d'abord les exigences du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Ces pays sont concernés par la faillite des banques islandaises car ils avaient accueilli à bras ouverts leurs filiales et succursales, alors même que leurs autorités avaient été alertées, au moins partiellement, des risques qui pesaient sur ces banques. Ils exigent aujourd'hui que l'Islande leur verse des sommes astronomiques (plus de 2,7 milliards d'euros pour le Royaume-Uni et plus de 1,3 milliards d'euros pour les Pays-Bas), assorties d'un taux d'intérêt de 5,5 % […]
    Par ailleurs, leurs mesures pour l'y contraindre sont scandaleuses. Le Royaume-Uni a ainsi commencé, dès le tout début du mois d'octobre, par une mesure de rétorsion extrême : le gel des avoirs de la banque Kaupthing, qui n'avait elle-même aucun rapport avec Icesave, en usant de sa législation anti-terroriste. Ce faisant, il mettait les Islandais, ses alliés au sein de l'OTAN, dans la même catégorie que des organisations comme Al Qaida… Et depuis, il semble peser de tout son poids pour qu'aucune aide internationale ne soit réellement mise en place au profit de l'Islande avant qu'il ait obtenu satisfaction. Gordon Brown a ainsi indiqué devant son Parlement travailler "avec le FMI" pour déterminer au mieux ce qu'il estimait être en droit de réclamer à l'Islande. Quant au FMI lui-même, non content de tarder à mettre ses prêts à disposition de l'Islande, il les assortit de conditions que l'on trouverait grotesques s'il s'agissait d'une fiction. C'est le cas avec l'objectif de ramener le déficit public de l'Islande à zéro d'ici 2013, un objectif impossible à tenir mais qui n'en entraînera pas moins d'énormes coupes dans les dépenses les plus indispensables que sont l'éducation, la santé publique, la sécurité sociale, etc. Enfin, de manière générale, l'attitude de l'UE comme d'autres Etats européens n'est guère plus recommandable. La Commission européenne a clairement pris fait et cause pour le Royaume-Uni, puisque son président a indiqué dès le mois de novembre qu'il n'y aurait pas d'aide européenne tant que le cas Icesave ne serait pas résolu|[…]
    A moins de ne changer radicalement d'approche, l'Europe et le FMI s'apprêtent donc à accomplir un véritable exploit : ravaler un pays dont l'Indice de développement humain (IDH) s'était hissé en quelques décennies au plus haut niveau mondial au rang de pays pauvre…

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  14. Les psychologues savent bien que si la psyché humaine ne se réduit aucunement à la physiologie, et s’il faut bien se garder de tomber dans l’affreux travers de l’organicisme, il n’en reste pas moins qu’on ne peut prétendre faire sérieusement de la psychologie en éludant le niveau neurophysiologique.

    De la même façon, les études politiques ou sociologiques, sans tout ramener à l’économie et sacrifier à l’économisme, ne peuvent cependant se passer de ce qui est fondamental pour la vie des sociétés et leur pilotage: le souci de la « production matérielle de l’existence » (Marx): production et répartition des richesses.

    C’est pourquoi on ne peut faire l’impasse sur la théorie de la valeur.

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  15. En fait, Melchior, il ne faut faire l'impasse sur rien. Il faut au contraire tout intégrer dans notre compréhension du monde.

    C'est à force de tronçonner le corps en morceaux que la médecine a oublié la dynamique propre à l'humain comme un tout, c'est à force de segmenter les "registres" et les disciplines que les sciences ont oublié la perspective d'ensemble.

    Il faut un temps pour la segmentation, certes, mais en ayant toujours en arrière plan la perspective de l'ensemble.

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  16. La mise à mort du travail, les dés sont pipés

    Après l’accord entre la Chine et l’UMP, le lapsus de Jean-François Copé «Xavier Bertrand, notre Premier secrétaire» est révélateur. Ces deux dictatures – l’UMP, dépendance des néo-cons américains, est là pour longtemps – ces deux régimes n’auraient-ils pas un but commun? Préparer le choc final – les actionnaires occidentaux contre les dignitaires orientaux ? L'Histoire nous a déjà montré des alliances étonnantes avec ensuite une rupture fracassante.


    Si l'un est autoritaire, l'autre est manipulateur. Ils s’appuient sur l’exploitation et le mépris à outrance des populations Delta et Epsilon, appelées « Classe Ouvrière » dans le temps jadis.


    Avez-vous remarqué le principe de la vente pyramidale ? Vous vendez des produits et vous parrainez dans le même temps des nouveaux vendeurs. Alors, au début, pas à pas, vous gagnez sur la vente directe de vos produits par le porte à porte. Au fil des années - vous dit-on -, avec profusion d’exemples publicitaires, vous devenez rentier grâce à votre pyramide exponentielle de parrainage. Les réussites existent. Mais quid de la base de la pyramide ? Malheureusement, jamais personne ne vous donne le nombre d’abandons de ces nouveaux venus ayant travaillé fort longtemps tout seul dans leur coin, presque gratuitement, espérant faire fortune, et repartis dans la honte de leur échec, la mort dans l’âme, voire plus.


    N’est-il pas humain de croire en son potentiel et en ses chances ? «Je l’ai fait. Pourquoi les autres ne le pourraient-ils pas ?», voilà le culot, l’audace, la cupidité, le cynisme, l’escroquerie, le chacun pour soi et l’élimination jouissif du maillon faible (ou gênant) mis en valeurs intangibles de notre société.


    Le principe de notre économie actuelle est semblable. Grâce à l’émission «La mise à mort du travail» sur France 3, on voit l’absurdité, l’arnaque du nouveau management d’une société de service. Ne voulant pas voir les esclaves attirés par les miroirs aux alouettes - ou tout simplement pour leur survie -, se cachant hypocritement ces pauvres bougres Delta ou Epsilon au bas de l’échelle, toute l’entreprise vit dans un rêve. C’est du virtuel dans l'allégresse, le conditionnement, la persuasion, la motivation et le don de soi. On donne des ordres par informatique et le terrain doit exécuter. Hélas, ce terrain, soumis aux aléas et à des cadences infernales, ne peut réellement faire le travail correctement.



    Le vécu de ce manager d'agence est édifiant. Vu sa tête songeuse et décomposée, je crains même pour lui.
    "Si vous faites des heures supplémentaires, c'est que vous êtes mauvais ou mal organisé. Comme l'organisation de l'entreprise, tournée vers l'actionnaire [ou le gouvernement], ne permet aucun défaut, vous cachez ses heures ou la porte [ou le placard] vous attend. Vous êtes un faible".

    AU SUIVANT... AU SUIVANT... C'est la valse à quatre temps.


    TOUTES NOS ENTREPRISES SONT SUR CE SCHÉMA : France-Télécom, La Poste, etc…
    Ils n’avaient pas prévu ni les suicides, ni la rébellion silencieuse, ni les trucages des enquêtes de satisfaction.


    Les Deltas et les epsilons ne bossent pas assez vite, alors délocalisons aux antipodes ou sous-traitons avec d’autres plus dociles. Avec six milliards d’êtres humains, l’exécution du travail, sur cette planète, n’est pas un problème pour ces maîtres du monde merveilleux. Ils trouveront bien d’autres milliards de complices pour consommer et garder ainsi leur mainmise.



    Il est quand même paradoxal que ces gens vivant dans le virtuel, classe moyenne, classe supérieure, bobos, etc.. donnent si facilement pour avoir bonne conscience, dans le durable, dans le commerce équitable, dans les trucs tendances et laissent en même temps crever leur voisin voulant sortir la tête hors de l’eau.

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  17. Cher Jean,

    Merci de ce riche commentaire, terriblement révélateur de la déshumanisation de notre société, amplifiée par les processus de mondialisation. Le déshumanisation ne se cache même plus sous des mots de leurre: ne parle-t-on pas de "ressources humaines"... une expression choquante, d'un cynisme cru, pour désigner des êtres humains ?

    Tu rappelles ce que beaucoup de gens oublient: la base de la pyramide, constituée par les Deltas et epsilons. Cette base-là, les bobos de gôôôche n'en connaissent rien. Ils s'en fichent. Ils s'en moquent, ils la raillent: ne mange-t-elle pas du surimi au lieu de se régaler de crabe ? Cette base est pour eux au pire la "foule ignare", dont ils ne connaissent même pas les habitus, au mieux la "classe travailleuse" dont ils n'ont pas grand chose à faire d'autre que des discours creux.

    Et pourtant, elle souffre, la base. Elle se révolte et appelle au secours, parfois en sacrifiant sa vie...

    Merci, Jean

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  18. Un bel article d’Edgar Morin dans le Monde : Éloge de la métamorphose
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    http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/01/09/eloge-de-la-metamorphose-par-edgar-morin_1289625_3232_1.html
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    Quand un système est incapable de traiter ses problèmes vitaux, il se dégrade, se désintègre ou alors il est capable de susciter un méta-système à même de traiter ses problèmes: il se métamorphose. Le système Terre est incapable de s'organiser pour traiter ses problèmes vitaux. Le probable est la désintégration. L'improbable mais possible est la métamorphose. . L'idée de métamorphose, plus riche que l'idée de révolution, en garde la radicalité transformatrice, mais la lie à la conservation (de la vie, de l'héritage des cultures). Pour aller vers la métamorphose, comment changer de voie ?

    Tout en fait a recommencé, mais sans qu'on le sache. Nous en sommes au stade de commencements, modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Car il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d'initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou de la réforme de vie. […] Il s'agit de les reconnaître, de les recenser, de les collationner, de les répertorier, et de les conjuguer en une pluralité de chemins réformateurs.

    L'orientation "croissance/décroissance" signifie qu'il faut faire croître les services, les énergies vertes, les transports publics, l'économie plurielle dont l'économie sociale et solidaire, les aménagements d'humanisation des mégapoles, les agricultures et élevages fermiers et biologiques, mais décroître les intoxications consommationnistes, la nourriture industrialisée, la production d'objets jetables et non réparables, le trafic automobile, le trafic camion (au profit du ferroutage).

    L'orientation développement/enveloppement signifie que l'objectif n'est plus fondamentalement le développement des biens matériels, de l'efficacité, de la rentabilité, du calculable, il est aussi le retour de chacun sur ses besoins intérieurs, le grand retour à la vie intérieure et au primat de la compréhension d'autrui, de l'amour et de l'amitié.

    Il ne suffit plus de dénoncer. Il nous faut maintenant énoncer. Et Morin de formuler cinq principes d'espérance : 1. Le surgissement de l'improbable ; 2. Les vertus génératrices/créatrices inhérentes à l'humanité; 3. Les vertus de la crise ; 4. Ce à quoi se combinent les vertus du péril : "Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve." ; 5. L'aspiration multimillénaire de l'humanité à l'harmonie (paradis, puis utopies, puis idéologies libertaire /socialiste/communiste, puis aspirations et révoltes juvéniles des années 1960)..

    L'espérance vraie sait qu'elle n'est pas certitude. C'est l'espérance non pas au meilleur des mondes, mais en un monde meilleur. L'origine est devant nous, disait Heidegger. La métamorphose serait effectivement une nouvelle origine.

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  19. Sacré Edgar, sacrée Monica !
    Vivent les fourmis ! Contribuer petitement, chacun à sa mesure, à cette métamorphose. En sachant, grâce à la mise en réseau des espérances et des projets, qu'on n'est pas seul. Il y a une perspective. A long terme, sans doute, (hélas, dis-je, impatient de vivre dans ce monde transformé que je ne connaitrai pas) mais l'aventure est collective non seulement en termes d'individus (les uns avec et par les autres) mais aussi en termes de générations. Il nous a beaucoup été donné, à nous de faire au moins un peu. La chaîne pour éteindre l'incendie ou se passer les briques pour construire. La mise en perspective globale de Morin est de nature à combattre la déprime. Une fois de plus. Sacré Edgar. Merci Monica.

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  20. Un entretien avec Robert Castel paru dans Marianne. J’en retiens quelques passages.
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    http://www.marianne2.fr/R-Castel-nous-vivons-une-apologie-de-la-valeur-travail_a184844.html
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    Étant donné la situation actuelle du marché du travail, il vaut mieux, sans doute, que le RSA ait été créé, car il permettra à un certain nombre de gens qui en ont bien besoin de compléter leurs revenus du travail. Mais en même temps, il risque de renforcer le processus de précarisation du marché du travail. Il y aura désormais sur ce marché des individus «soldés», pour lesquels les employeurs se diront que, comme ces salariés touchent le RSA, ils peuvent bien leur proposer des contrats courts ou des emplois à temps très partiels, sans jamais chercher à améliorer la qualité de ces emplois.

    Le capitalisme actuel n’est pas capable de créer une société de «plein emploi», avec un véritable statut de l’emploi. A défaut, certains envisagent l’avènement d’une société de «pleine activité», où chacun travaillerait pour ne pas être considéré comme un oisif, un parasite, mais à des conditions minimales de salaires et de droits. Le RSA pourrait être un moyen d’y parvenir.

    Alors qu’on parlait, il y a une dizaine d’années, de «la fin du travail», il y a aujourd’hui une survalorisation, une apologie inconditionnelle de la valeur travail. Or le seul travail défendable est celui qui donne un minimum de droits et un salaire décent.

    Certaines des transformations sociales de ces 30 dernières années semblent irréversibles. Il faut donc les prendre en compte. Mais il faut attacher de nouveaux droits à ces transformations. Aujourd’hui, l’Etat devrait davantage prendre en compte la singularité des trajectoires et devenir un Etat «animateu», un «Etat social actif», avec une sécurisation des parcours professionnels.

    Le RSA est un dispositif très dangereux. Un revenu convenable pour vivre décemment est de l’ordre du Smic. Si un revenu d’existence était créé, il serait certainement bien moindre, et ne permettrait pas le minimum d’indépendance économique nécessaire aux individus. Le bénéficiaire de ce revenu devrait donc faire autre chose pour compléter ce revenu, et serait amené à accepter n’importe quel petit boulot pour arrondir ses fins d’allocation. Ce qui, là encore, serait un facteur supplémentaire de dégradation du marché du travail.

    Par paresse, on a tendance à recentrer la question sociale sur la notion d’exclusion. Or c’est une notion statique, un mot-valise dans lequel on cristallise toute la misère du monde, mais qui n’explique rien sur les processus qui mènent à ces situations. ` Derrière cette notion, il y a l’idée qu’un sans-domicile fixe, un chômeur ou un jeune de banlieue est « exclu ». Cela nie complètement la différence entre ces situations et occulte la nécessité de chercher et de combattre les causes qui ont amené ces personnes-là où elles sont aujourd’hui.

    Il est préférable de parler de «désaffiliation» plutôt que d’exclusion. Ce concept est en effet plus dynamique et invite à tenter de comprendre comment se fait le processus de décrochage, qui passe par plusieurs stades successifs. Car on ne décroche pas du jour au lendemain et tous ne décrochent pas de la même chose. La trajectoire du jeune de banlieue discriminé sur une base ethnique n’est pas celle du chômeur de longue durée, ni celle du jeune très diplômé qui recherche un emploi, etc. Et leur avenir sera aussi très variable.

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